“JOURNEY MAN” édité en 2017 par les Editions Erick Bonnier avec une préface d’Olivier Weber. Ce livre représente plus de trente ans de ma vie, c’est une sorte de mémoire visuelle où se mélange ma vie professionnelle de photoreporter et ma vie personnelle de mari et père de famille. En 1980 mon premier fils, Seamus est né. Quelques semaines après sa naissance j’ai pris un congé sans solde de Magnum où je travaillais comme iconographe et je suis parti au Kenya pour réaliser mon premier “vrai” reportage sur un sculpteur, Mihail, qui réalisait un projet fou, “The Sleeping Elephant” (“l’éléphant endormi”). Je me rendis compte bien plus tard que ces deux dimensions de ma vie, professionnelle et personnelle étaient comme deux vignes séparées qui s’entremêlaient et se renforçaient l’une et l’autre d’où la trame parallèle dans le livre.

Tels les samouraïs de Kurosawa, nous courions d’une actualité à une autre, de préférence, là où il y avait du grabuge et des catastrophes. Nous faisions partie d’une confrérie internationale d’aventuriers, moitié journaliste, moitié poète, entraînés dans l’art de la photo et la démerde. Nous étions les témoins de l’histoire et notre mission était d’informer le monde ! Ce sens du devoir était aussi noble que nos comptes en banques pouvaient être pauvres. En moyenne, je passais sept mois de l’année à courir après l’actualité ; de Panama à Tiananmen, de Sarajevo à Bagdad. Au seuil de l’ère numérique, nous étions la dernière génération de photoreporters de l’époque argentique ; aujourd’hui une génération révolue.


Extrait de la préface d’Olivier Weber:

À le croiser sur les lignes de front, avec constance, on se demandait : comment fait-il ? Pourquoi revient-il si souvent, avec l’énergie d’un passeur, d’un témoin parmi les hommes que Kessel aurait aimé ? Nul doute que cet élégant du boîtier devait avoir un secret, toujours aussi enthousiaste, loin de tout cynisme, loin d’une attitude de gros-bras qui rechercherait les blessures. Le secret, il nous le dévoile ici, dans ce livre singulier, autant témoignage sur les convulsions du globe depuis quarante ans que journal sur la question du retour, après sept mois de voyage en moyenne par an. Oui, le retour, point sensible des photojournalistes, voyageurs engagés, parfois enragés, et autres témoins des drames contemporains. La mélancolie des atterrissages, la violence rentrée après les conflits que nulle thérapie ne peut entièrement guérir, le syndrome post traumatique que connaissent les reporters, les humanitaires et les militaires, Tom Haley les a digérés sans les annihiler pour autant lorsque Paris, capitale de la photographie, n’était pas toujours une fête. Paris, où, après deux ans de séjour newyorkais, il travailla comme archiviste pour la prestigieuse agence Magnum. Ses modèles et grands frères ont pour nom Henri Cartier-Bresson, Joseph Koudelka ou Sebastiao  Salgado. Puis Thomas Haley se lance dans le reportage, à la poursuite des chimères du monde. Or ce qui est émouvant dans ce parcours, c’est la révélation du rôle-pivot joué par l’amour, l’amour de sa famille, ses piliers, femme et enfants. Sa passion de photographe leur doit tout, ose-t-il avouer. « La vie de famille et la vie professionnelle étaient comme deux vignes séparées qui s’entremêlaient et se renforçaient l’une l’autre », écrit-il.